Escrime : Origine africaine du sport de la championne Laura Flessel-Colovic


Si l’on s’en tient à la documentation historique universelle, l’Afrique noire est le berceau de nombreuses traditions martiales, dont l’escrime.

Laura Flessel-Colovic est une très grande sportive afro-caribéenne originaire de la Guadeloupe et plus précisément une grande combattante spécialiste de l’épée, son arme favorite. C’est l’un des fleurons de l’histoire de l’escrime française.

 Double championne olympique et déjà 6 fois championne du monde, elle s’apprête à plus de 35 ans, à enrichir son palmarès d’une nouvelle médaille à l’occasion des JO de Pékin en 2008 (Bay’ adan Laura ! [1]).

Mère de famille comblée (elle a su allier à merveille vie de famille et sport de haut niveau), elle fait aujourd’hui partie du Team Lagardère Paris Racing. C’est à elle que nous dédions cet article qui dévoile l’origine africaine de sa discipline, ce qui fait d’elle, une grande continuatrice de la tradition martiale négro-africaine.

1-    Le mythe grec des Jeux olympiques

Les Jeux Olympiques (ou JO) désignent une vaste compétition internationale organisée tous les 4 ans et qui regroupe diverses disciplines et de nombreux athlètes. Scindée en «  Jeux olympiques d’été » depuis 1896 et en « Jeux olympiques d’hiver » depuis 1924, cette compétition valorisée par le Baron Pierre de Coubertin à la fin du XIXème siècle a pour devise « citius, altius, fortius.. » , Plus vite, plus haut, plus fort... [2]

Grèce antique : compétition sportive de lutte

Pour beaucoup, l’origine de cette compétition puise ses sources en Grèce en 776 avant l’ère chrétienne. La première compétition, à savoir les jeux d’Olympie, fut dit-on organisée par Iphitos, roi d’Elide. Ainsi, nous devons à Pausanias le récit suivant : « Iphitos, descendant d’Oxylos, et contemporain de Lycurgue, qui donna des lois à Lacédémone, fit célébrer des jeux à Olympie, renouvela les fêtes olympiques et la trêve dont l’usage avait cessé ». [3]

L’unique épreuve de ces premiers jeux, à savoir une course à pied dont les athlètes étaient totalement nus, fut remportée  Coroebos, un jeune sportif qui était aussi cuisinier.

Néanmoins, pour trouver les véritables racines historiques de ces jeux d’Olympie, il faut revenir en Afrique noire (civilisation égypto-nubienne), lieu où les Grecs ont puisé cette idée. Nous aurons l’occasion d’y revenir plus en détails, cependant il faut savoir que :

- L’escrime fut introduite dans les compétitions grecques en référence aux récits d’Homère (l’Iliade). Or Hérodote et Diodore de Sicile ont démontré qu’Homère avait séjourné en Égypte et y avait puisé de nombreux éléments pour ses récits. [4]

- Les Grecs ont vu pour la première fois des compétitions sportives en Egypte. Par exemple l’apparition des « Palestres » en Grèce (ancêtre des gymnases où l’on pratiquait de nombreux sports, tels la lutte, le saut, la course…) est un emprunt direct de l’Afrique ancienne. Ainsi, Diodore de Sicile confirme d’une part, que l’africain Djehuty (appelé Thot par les Grecs) fut l’inventeur de la palestre [5] et d’autre part, que les égyptiens anciens étaient d’origine négro-africaine. Il est d’ailleurs significatif que ces deux informations capitales soient souvent passées sous silence par les historiens actuels.

- Il y aussi des fresques murales égyptiennes qui dévoilent les nombreux sports et compétitions existants (natation, concours de javelots, tir à l’arc, lutte, course, course d’obstacles, course de chars, hockey sur gazon, handball, gymnastique, haltérophilie, équitation, danse hip hop …) en Afrique noire bien avant l’apparition de la Grèce antique (ex. Fresques murales du tombeau de Béni Hassan vers 2000 avant l’ère chrétienne). Ces sports étaient pratiqués notamment par les soldats de l’armée africaine antique.

Compétition de lutte sportive, Afrique ancienne, Beni Hassan


- Enfin, pharaon devait lors de son jubilé, prouver qu’il était en bonne santé en effectuant au pas de course, le tour d’un temple (fête de sed). Il pouvait être remplacé, par de jeunes soldats, pour pallier à un âge avancé. D’autre part, une compétition d’athlétisme entre Memphis et l’oasis du Fayoum (Allé et retour, 2 fois 50 km²) était organisée sous la XXVème dynastie, soit vers 700 avant l’ère chrétienne. Les coureurs mettaient environ huit heures pour effectuer ce trajet (il ne faut donc pas s’étonner que la première épreuve des jeux d’Olympie fut aussi une course).

Compétition de lutte sportive africaine

2-Origine africaine de l’escrime

2.1 Généralités

L’escrime est un sport de combat mixte qui se pratique entre deux adversaires munis d’une arme blanche (épée, sabre, fleuret…). Pour gagner, il faut parvenir à toucher en premier (et sans être touché si possible) son adversaire avec la pointe ou le tranchant (dit estoc ou taille). Les combattants sont protégées par une espère de cuirasse et leur épée est mouchetée pour éviter les accidents.

«  En Garde ! Prêt ? Allez ! Halte !  » sont les mots généralement utilisés par l’arbitre qui officie durant la compétition pour signifier les diverses phases de cet « art martial ».

Compétition d’escrime. Laura F-C en action 


Le poète Homère (vers 800 avant l’ère chrétienne) fut le premier européen à décrire un combat d’escrime qui appela « hoplomachie », à savoir l’art de combattre avec une arme lourde à la main. Au Vème siècle, cet art était plutôt apprécié par les Grecs qui étaient en admiration devant deux combattants exceptionnels, les frères Euthydème et Dyonosore.

2.2 A propos du mot "escrime"

Le mot escrime dérive dit-on du sanscrit carma. Ce mot devint skirmen pour les Scandinaves et skermen pour les Germains. Le verbe skirmjan signifiant protéger, il en découle escremie ou eskermie à savoir l’escrime en ancien français. A l’époque on utilisait les termes d’escrimisseurs ou d’eskermisors pour désigner les combattants.

2.3 Origine africaine de l’escrime…

L’escrime est un sport qui a été inventé par les Africains anciens. Il servait à compléter l’éducation intellectuelle par une éducation physique, artistique voire militaire, d’où l’apparition de cet art martial.

En 1190 avant l’ère Chrétienne, le pharaon Ramsès III demanda à ses artistes de graver sur les parois du temple de Djémé (Médinet Habou) [6] (Haute Egypte) une immense fresque dévoilant une compétition sportive internationale organisée par lui pour célébrer sa victoire militaire sur les Libyens. [7] Les athlètes de tous les pays alliés ou vassaux de l’Egypte furent invités en Afrique (à Thèbes) pour ces jeux sportifs.

Le roi africain Ramsès III



Sur une deux scènes, on découvre deux combattants (Meshâ) se livrant à un duel d’escrime. Cette scène nous livre de précieuses informations :

- Les armes (pointe d’épée ou de bâton) sont déjà mouchetées à leur extrémité pour éviter les accidents,

- Les mains sont déjà protégées par une garde identique à celle d’un sabre,

- Un casque protège la tête, le front, les oreilles, la nuque et se maintient grâce à une mentonnière,

- Le bras sans arme est protégé par un bouclier de petite largeur et sert à parer les coups de lame,

- Le corps est protégé par endroit (pagne triangulaire au niveau de la taille…).

Medinet Habou

Scène de duel d’escrime en Afrique noire. Epoque Ramsès III, temple de  Djémé

Reproduction sur papyrus de la seconde fresque murale


Ces deux scènes ont été gravé dans la pierre en Afrique noire, plus de 400 ans avant l’organisation des premiers jeux d’Olympie en Europe et bien avant l’arrivée d’Homère en Égypte. Et ce n’est pas tout ! La traduction du texte hiéroglyphique de cette scène de combat confirme encore la thèse africaine de l’origine de cette discipline. En effet, les artistes martiaux s’interpellaient déjà en criant «  En Garde !...  Admire ce que va faire ma vaillante main ! ».

Les spectateurs (Égyptiens, Nubiens, Libyens, Assyriens…) prenaient plaisir à assister à cette confrontation sportive en criant « Avance-toi ! Oh excellent combattant ! ». A l’aide d’une trompette, on donnait le signal de début ou d’arrêt des hostilités aux combattants. En cas d’entrave au règlement, le duelliste fautif pouvait être réprimandé par le juge. Sur une inscription, un juge réprimande d’ailleurs un combattant en lui disant ceci « « N’as-tu pas honte, toi qui combat ainsi devant le pharaon ».

A l’issue du combat, manifestement bien organisé (un peu comme à l’époque romaine avec les morts en moins) les membres du jury, reconnaissable à leur tenue, confirmèrent à un scribe le résultat du duel que ce dernier notifia sur un papyrus.  « Avance,  avance… Toi le meilleur des combattants ! », lui dit son pharaon afin de le récompenser. Le combattant salua alors dignement son roi avec son arme après avoir salué le jury. La foule en admiration déclara « Les champions égyptiens ont vaincu leurs rivaux étrangers comme Amon t’a permis de vaincre leurs armées ».

Gladiateurs romains



Plus tard, lorsque les Grecs puis les Romains notamment s’adonnèrent à l’escrime (pratique introduite dans les camps romains en 648 avant l’ère chrétienne par le Consul Rutilius avec pour devise « Que le courage se joigne à l’art et l’art au courage »), les combattants suivirent le modèle martial africain. En effet, une main tenait le glaive (autre arme d’origine africaine) tandis que l’autre parait les coups à l’aide d’un bouclier. Démocratisé dans le cadre des jeux du « cirque » (gladiateurs romains), on vit alors l’escrime sortir complètement du cadre sportif pour devenir une technique de mise à mort (recherche systématique de coups mortels), voire un spectacle morbide.

Kopesh kamit

Sur les temples d’ Égypte, il existe diverses scènes montrant des duels sportifs ou des affrontements militaires. Plusieurs armes semblent avoir été utilisées (bâton, épée, kopesh, glaive, dague…). De nombreux bâtons d’escrime furent par exemple retrouvés dans le tombeau de Toutankhamon et de nombreux glaives ou dagues royales ont été mis à jour dans des tombeaux royaux.

Tombe de Merirê II à El Armana, 1 350 avant l’ère chrétienne

Ainsi, sur un ostraca en calcaire trouvé à Deir el Medineh, on peut voir deux combattants en plein duel à l’épée. Chose particulière, une main tient une épée dotée d’une garde et l’autre une dague (arme courte) qui lui permet de bloquer les coups de son adversaire. Enfin, près de la poignée, les lames comportent une entaille en guise de cran d’arrêt. Il existe d’autres représentations de cette même scène.

Scène d’escrime avec bâtons, Ostraca, Deir el Medineh (reproduction)

Epée d’officier français

Il semble cependant, qu’à l’origine les combattants utilisaient des bâtons pour  s’affronter. Puis progressivement, les armes en métal firent leur apparition. Néanmoins, on retrouve encore à l’époque de la reine Hatshepsout sur les parois de son temple à Deir el Bahari, une scène de combat martial égyptien.

Fresque murale, Temple de la reine Hatshepsout, Deir el BahariScène de combat martial encerclé à droite

Détails de la scène de combat martial

Munis de bâtons mi-longs et courbés dans les deux mains, deux combattants s’affrontent de façon plutôt artistique, pendant que des hommes debout font de la musique en frappant des petits bâtons les uns contre les autres. Cette scène typiquement africaine, nous rappelle de multiples arts martiaux panafricains (Ladja, Danmyé, Mayolé, Capoeira…).

Fresque kamite comportant des scènes martiales

Moins connue que la Capoeira, le Ladja est une danse de combat née en Martinique en pleine période esclavagiste et ayant pour cadre culturel originel le Bénin. Accompagnés par le Ka (tambour), le ti-bwa (bâtons frappés les uns contre les autres) et le chant, deux combattants s’affrontent dans une lutte chorégraphiée avec adresse et agilité. Munis de bâtons à l’origine, ces combattants durent se résoudre abandonner ces armes blanches suite à la méfiance des planteurs qui voyaient d’un mauvais œil le développement de cet art martial et l’église qui y voyait une lutte africaine de libération. Les Noirs remplacèrent alors le Ladja par le Danmyé, une forme plus douce et sans arme, de cet art martial, sans pour autant, abandonner totalement le Ladja.

Scène martiale afro-caribéenne, le Danmyé, Martinique

En Guadeloupe le Mayolé, un autre art martial typique de cette époque, entra en résistance et « pris le maquis » pour conserver les bâtons d’affrontement, le ka et les ti-bwa. Car le 8 novembre 1781, un arrêt du Conseil souverain, interdit l’utilisation de toutes les formes d’armes en ces termes : « Défendons aux esclaves de porter aucune arme offensive, ni de gros bâtons, à peine de fouet et de confiscation des armes au profit de celui qui les en trouveras saisis, à l’exception seulement de ceux qui seront envoyés à la chasse par leur maître, et qui seront porteurs de leurs billet ou de marques connues ».

Scène martiale avec bâton, Afrique ancienne, ville de Thèbes, - 1350

Ces traditions guerrières sont l’âme même de ces régions, l’essence africaine qui inonde nos traditions. Il est donc intéressant de retrouver l’origine antique de ces pratiques martiales sur des bas reliefs africains. Cela devrait inspirer nos sociologues qui doivent savoir que le grec Platon (428-348 avant l’ère chrétienne) a même fait l’éloge de la pratique de la danse armée en Grèce et l’a recommandé comme moyen d’éducation sous le nom de « Pyrrhique » : « Son but était de feindre par des gestes mesurés en les poétisant toutefois et en les exaltant, les actions des hommes », disait-il. Il tenta même de la codifier pour en améliorer la pratique. Platon, comme le rappelle le géographe grec Strabon, a séjourné pendant 13 années en Égypte où il a étudié la philosophie et donc découvert ce type de danse armée.

Epée européenne


Conclusion

L’escrime africaine a littéralement conquise l’Europe, qui à travers toutes ses civilisations dans tous les pays européens a accordé à cet art martial, une grande place (Grèce, Rome, France, Angleterre, Espagne…). A cela, il convient d’ajouter ses déclinaisons en Orient et en Asie.

En France, c’est en 1567 que fut créée l’Ecole Française d’Escrime sous Charles IX qui autorisa la création de l’Académie des maîtres d’armes. Beaucoup plus tard, un autre descendant d’africain, l’écrivain métis Alexandre Dumas (1802 - 1870) magnifia l’escrime dans son roman « Les trois mousquetaires ».


Enfin en 1896, l’escrime devint officiellement une discipline des JO.


Références bibliographiques:                    

[1] Vas-y Laura !
[2] Le Baron a en fait emprunté cette devise latine à son ami l’abbé Didon, qui l’avait utilisé en 1891.
[3] Cf. Pausanias, Description de la Grèce, (V, 4, 5).
[4] Cf. Les racines africaines de la civilisation européenne, JP Omotunde, éd. Menaibuc.[5] Cf. Diodore de Sicile, Livre I
[6] Le temple de Djémé témoigne de l’architecture de la fin du Nouvel Empire, initiée par Ramsès II.

[7] Source : Scènes ornant le soubassement de la fenêtre d’apparition de la première cour. Cf. The University of Chicago Oriental Institute Publication. Medinet Habu I-VIII. 1930-1969.